• Risque de maladies auto-immunes

    Le stress chronique augmente le risque de maladies auto-immunes

    Publié le 29 septembre 2013 par Frédéric Flipo

     

    L’exposition chronique au stress a des effets délétères tant sur le plan émotionnel que physique. C’est en étudiant ces effets sur une population de souris que le Dr Harpaz, le Pr Monsonego et le Pr Cohen de l’Université Ben Gurion à Beer Sheva ont pu mettre en évidence une conséquence jusqu’alors inconnue de cette pression psychologique : d’après leur article publié dans l’European Journal of Immunology, elle serait un facteur favorisant l’apparition de maladies auto-immunes.

    Définition des maladies auto-immunes

    Une maladie auto-immune est caractérisée par une hyper-réactivité du système immunitaire face à des éléments (cellules, molécules) ordinairement présents dans l’organisme. Par exemple, le lupus érythémateux disséminé résulte de la création d’anticorps dirigés contre les cellules du tissu conjonctif présent dans tout le corps. Ces maladies peuvent avoir des mécanismes très divers et des facteurs favorisants tout aussi nombreux.

    Quel est le mécanisme en jeu ici ?

    Dans des situations stressantes (fuite, combat, etc.), l’hypophyse, glande endocrine présente sur la face ventrale du cerveau transmet un signal hormonal à l’hypothalamus. Celui-ci est un organe nerveux situé au dos du tronc cérébral. Suite à ce stimulus endocrinien, il active la création de corticostérone – un gluco-corticoïde présent chez les rongeurs, dont l’équivalent chez les humains est le cortisol – par les glandes surrénales. Ainsi, en cas de stress chronique, cet axe hypothalamo-hypophysaire-surrénalien conduit à la synthèse de quantité trop importante de corticostérone.

    Normalement, un taux trop élevé de cette hormone conduit à une immuno-suppression (suppression du système immunitaire). Or, dans le cas présent, chez une population de souris soumise à un stress chronique, les cellules causant les réactions inflammatoires pathogènes sont peu sensibles aux effets des gluco-corticoïdes. Pire encore, la corticostéronémie (taux sanguin de corticostérone) importante provoquerait une sélection des populations cellulaires immunitaires, en ayant un rôle immunosuppresseur sur les cellules sans pouvoir pathogène

    Quelle implication pratique ?

    Alors qu’une dose importante de gluco-corticoïdes peut s’avérer nécessaire pour traiter des patients atteints de maladies auto-immunes de part leur action immuno-suppressive, elle peut aussi conduire à l’aggravation des symptômes chez ceux soumis à un ou plusieurs stress chroniques. Il devient alors nécessaire de bien peser le pour et le contre en ce qui concerne l’administration d’un tel traitement chez ces patients.

    Les gluco-corticoïdes physiologiques jouent donc un rôle clé dans la régulation du système immunitaire. Les auteurs de cet article pensent qu’ils peuvent également avoir un lien avec des maladies neuro-dégénératives, comme la maladie d’Alzheimer. Le lien entre ces hormones, leur effet sur le système immunitaire et le vieillissement est actuellement étudié par les auteurs cités plus haut.

    L’appui d’autres études 

    Ce qu’ Henri Laborit pressentait dans les années 60 / 70 semble se confirmer de plus en plus : notre cerveau entretient des liens intimes avec notre système immunitaire. C’est du moins ce que viennent appuyer trois autres études récentes portant sur la réponse inflammatoire de notre organisme à des conditions sociales stressantes, malheureuses voire même heureuses.

    La plus ancienne, publiée en octobre 2009, montrait comment une situation sociale perçue comme menaçante par notre cerveau pouvait mettre en action des processus inflammatoire néfastes pour l’organisme. Faire un discours ou un test de mathématiques devant un public qui vous évalue peut ainsi stimuler la production de certaines cytokines, des molécules pro-inflammatoires. Or plus un individu avait du mal à gérer le stress dû à une situation d’évaluation par des tiers, plus sa production de cytokines augmentait.

    Une étude qui vient tout juste d’être publiée en juillet 2013 met en évidence un phénomène similaire qui peut affecter une personne souffrant de solitude. On connait en effet l’importance du lien social qui avec une bonne alimentation, de la stimulation intellectuellle et de l’exercice physique fréquent, constitue un facteur neuro-protecteur important contre le vieillissement du cerveau. Ce que cette seconde étude vient confirmer, c’est comment, chez les personnes seules, un stress aigu peu favoriser beaucoup plus cette cascade biochimique inflammatoire que chez une personne bien entourée socialement. Il s’agit donc d’un mécanisme potentiel expliquant l’observation de longue date que les individus souffrant d’exclusion sociale sont plus à risque pour plusieurs problèmes de santé.

    Enfin, toujours en juillet 2013, une autre étude explorait cette fois-ci le lien entre système immunitaire et deux états de bien être particulier : le plaisir, qui renvoie dans l’étude à une gratification personnelle immédiate (court terme), et un bonheur plus profond,  qui s’accompagne d’un sentiment d’accomplissement (long terme). Après avoir évalué le niveau de ces deux types d’état de bien-être à l’aide d’un questionnaire chez 80 sujets adultes, Barbara L. Fredrickson et ses collègues ont quantifié l’expression de certains gènes associés à la réponse immunitaire.

    Leurs résultats sont pour le moins étonnants. Les gens disant expérimenter plus souvent un état de plaisir que de bonheur avaient une expression accrue de gènes typiquement activés lors de périodes de stress et associés à une réponse inflammatoire accrue ainsi qu’à une diminution de la réponse antivirale. Au contraire, les personnes associant plus souvent à leur vie des états de bonheur que de plaisir avaient une activation plus basse de ces gènes et une réponse immunitaire renforcée. Bien que ces deux états soient perçus par notre cerveau indistinctement comme du « bien-être », il semble que notre génome soit plus sensible à certaines nuances plus ou moins durables de ce bien-être que notre expérience affective consciente.

    Social-evaluative threat and proinflammatory cytokine regulation: an experimental laboratory investigation : Dickerson SSGable SL ; Irwin MR ; Aziz N ; Kemeny ME

    Loneliness Promotes Inflammation During Acute Stress : Lisa M. Jaremka ; Christopher P. Fagundes ; Juan Peng ; Jeanette M. Bennett ; Ronald Glaser ; William B. Malarkey ; Janice K. Kiecolt-Glaser

    A functional genomic perspective on human well-being : Barbara L. Fredrickson ; Karen M. Grewenb ; Kimberly A. Coffeya ; Sara B. Algoea ; Ann M. Firestinea ; Jesusa M. G. Arevaloc ; Jeffrey Mac and Steven W. Colec